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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

à peine interrompu de quelques coassements de grenouilles, qui s’établit autour de lui, afin de le murer hors de sa gloire. Je veux dire de la gloire à laquelle il avait droit, au même titre que Balzac.

C’est une femme frêle, âgée, sans appuis, sans fortune, mais de cœur héroïque et d’une extraordinaire énergie, Mlle  Read, bien connue de tous les admirateurs et vieux amis de Barbey, qui entreprit de briser ce mur. C’est grâce à elle que tant de pages d’une critique nue, libre, hardie, juste et neuve, ont été recueillies et se transmettront, qui, sans elle, se seraient perdues dans la méconnaissance, l’ignorance totale et le rapide oubli. Aujourd’hui, avec une publication, complémentaire mais essentielle, comme les Disjecta membra, le « soleil des morts » de la Rochefoucauld monte rapidement sur la tombe, encore pénombreuse, du grand Normand. Il l’éclaire de cette lueur d’éclipse, d’argent et d’or, aux biseaux noirs, où s’attarde encore un glacis de l’incompréhension de naguère, par qui se rehausse tant de beauté.

Je répète ici que le grand romancier du second tiers du XIXe siècle, en France, c’est Barbey d’Aurevilly, et non Gustave Flaubert. Cela ressort du contraste des thèmes, du style, de la composition des visées. Cela ressort surtout de ce frisson du noble, du grand, du véritable lyrisme, qui anime, sans aucune défaillance, l’auteur de la Vieille Maîtresse, du Chevalier des Touches, de l’Ensorcelée, et qui enveloppe, dépasse et efface, de tous côtés, le