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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

à-brac, ou de charnier, qui fait les délices des passants, sur cette littérature d’ouvroir, d’antichambre, ou d’office riche, qui fait les délices de l’Académie. Largement méconnus, pillés, imités, engueulés, se fichant du tiers et du quart, et ne craignant ni leur propre pensée, ni les termes dans lesquels ils l’exprimaient, Vallès et Bloy (au même titre que Veuillot et Drumont, et avec une allure plus débridée) auraient pu rendre un immense service au regaillardissement de l’esprit national, s’ils eussent été moins privés de sens commun. Car l’un comme l’autre croyait que le sens commun fait partie des vices bourgeois, ou qu’il est l’apanage du juste milieu. Or, Rabelais, Molière (pour ne citer que ces deux-là) ont prouvé que le sens commun peut être extrême et passionné, qu’il a droit à sa haute fièvre comme son contraire, qu’il peut prendre le mors aux dents. Il était bien d’un siècle parlementaire de croire que le sens commun siège au centre !

Ici nous retrouvons (sur le plan littéraire) le libéralisme et ses ravages. Toute affirmation étant considérée comme un danger et une outrance, tout ce qui est expressif étant tenu pour grossier et confondu avec la cacophagie de Zola, toute appréciation ou vue non convenue, ni poncive, étant un blasphème contre les idoles du jour (Hugo, Renan, etc…), la première des qualités littéraires, après l’ordre, qui est l’intensité, est redoutée et bannie. Devant l’intensité, l’expressivité du terme, ou de la phrase, que pratiquèrent les trois siècles