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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

suite de journaux de 1830, de 1860, de 1890, ou de numéros, à trente ans d’intervalle, de l’Illustration (qui reflète assez bien l’esprit public de la bourgeoisie éclairée et faiseuse de réputations) et voyez la bonne opinion que tous ces braves gens ont d’eux-mêmes, à ces diverses époques. C’est un refrain touchant et unanime que jamais l’humanité n’est parvenue à un si haut degré de civilisation, de perfection, et de culture. Plus le siècle avance, et plus cet état d’esprit s’accentue. Lorsque je suis entré au lycée, en 1879, nos professeurs (qui étaient d’ailleurs excellents et fort instruits) se félicitaient et nous félicitaient de venir à un tel moment de l’histoire, où le progrès atteignait son maximum. On eût dit que nous vivions au siècle de Périclès, de ce Périclès auquel Edmond Haraucourt, auteur de la Légende des Sexes, comparait élégamment Waldeck-Rousseau. Plus tard, à l’École de Médecine, j’ai retrouvé le même état d’esprit. De l’interne à l’agrégé, c’était une extraordinaire suffisance, la persuasion qu’on tenait la vérité définitive, que, sur plusieurs points essentiels, la science, et, bien mieux, la connaissance, étaient définitivement fixées ne varietur.

Alors qu’au contraire (et pour nous en tenir présentement au domaine littéraire) la période qui va de la mort de Musset à 1900 (exception faite de quelques noms déjà cités) marque une sorte d’évanouissement total du grand comique, du grand tragique et du lyrisme véritable. Il n’en subsiste guère que la caricature, exaltée à outrance par un