Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
L’ABERRATION ROMANTIQUE

Tandis que le XIXe siècle littéraire qui avait joué l’ange déchu, dans sa première moitié, avec le romantisme, faisait la bête à quatre pattes dans sa seconde, une admirable pléiade d’écrivains et de poètes de langue d’oc, ou d’inspiration et de sensibilité d’oc en langue d’oïl, mûrissait au soleil de Provence. Je veux parler de ce Félibrige si profondément inconnu, ou méconnu, et si platement raillé et bafoué, qui n’a son analogue qu’au temps de Ronsard, au centre duquel se tient Frédéric Mistral, le véritable Altissime du XIXe. À l’apparition de Mireille, Lamartine, avec cette mystérieuse lucidité qui lui vient par saccades, comme d’un phare à éclipses, mit tout de suite Mistral à son rang. Après vint Armand de Pontmartin. Ensuite il fallut attendre jusqu’à mon père pour que justice fût rendue, publiquement et de façon éclatante, à ce maître des maîtres. C’est que les lumineuses vérités émanant du Virgile Maillanais (chez qui revit la magique suavité de Virgile) étaient au rebours des honteuses bourdes dont on abrutissait les foules d’alors, des bourdes hugotiques, des bourdes sandiques, des bourdes flaubertiennes, des bourdes de démocratie littéraire et de suffrage universel et vulgaire, des bourdes primaires et d’école du soir. L’art qui proclamait dans une formule immortelle, « luise tout ce qui est beau, que tout ce qui est laid se cache », un tel art devait être soit dissimulé, soit tourné en dérision par ces glorificateurs du néant dont le dernier en date est le juif obscène Catulle Mendès. Ceux qui étouffaient