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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

sant est encore remarquable en ceci, qu’il fait le pont entre Zola et Flaubert, ayant un pilier dans le fumier et un autre pilier dans le « gueuloir » du second. Les soirées de Médan rejoignent ainsi les après-midi de Croisset.

On dit quelquefois que ce qu’il y a de pire c’est la corruption du meilleur. C’est possible, et pourtant le romantisme (d’où est issue l’insondable bassesse du naturalisme) était lui-même une corruption, mentale et imagée, une espèce de fermentation à vide. Il a infligé à l’expression lyrique la même monotonie que le naturalisme a infligée à l’expression du réel. Le manque de variété dans le ton est commun à tous les disciples de Hugo, comme à tous les imitateurs de Zola et de Flaubert. Chez les uns, comme chez les autres, c’est le gaufrier, et une sorte de procédé de fabrication, qui fatigue jusqu’à l’exaspération le lecteur tant soit peu averti. Qu’est-ce au fond que le classicisme (qui n’exclut aucun élan ni aucune liberté) si ce n’est la soumission à certaines règles humaines du raisonnement et de l’émotion, fondées elles-mêmes sur le rythme intérieur des sentiments et extérieur des termes qui les expriment ? La vie n’est ni un volcan, ni une fosse d’aisances, et sa complexité insaisissable (que l’artiste s’évertue à saisir) passe bien au-dessus des jeux limités de la flamme, de la cendre, ou du purin, imaginez quelle somme d’idées fausses le malheureux lecteur, qui croit d’avance à ce qu’il lit (c’est le cas de tous les primaires), peut puiser dans les œuvres d’Hugo, de Flaubert et de Zola !