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L’ABERRATION ROMANTIQUE

Ils furent, l’un et l’autre, fort attaqués (et à bon droit) par des patriotes clairvoyants, ou de simples amis de la clarté française ; mais ils eurent, de leur vivant, cette chance que ces attaques ne furent ni très pertinentes, ni très vigoureuses, ni très renseignées. L’un et l’autre ont fait beaucoup de mal à leur pays. Le croisement de l’italien et du français est rarement favorable au français ; alors qu’il nous est facile de nous entendre amicalement avec l’italien se donnant comme tel. Un marché est toujours préférable à un alliage.

Au manifeste naturaliste, connu sous le nom de Soirées de Médan, et composé de divers récits, assez mornes et plats, collaborèrent des écrivains, momentanément abusés par le bavardage épais de Zola, et qui devaient plus tard se séparer de lui. Huysmans, par exemple, mélange singulier d’un style pittoresquement matériel et concret et d’aspirations presque mystiques. C’est dans ce recueil aussi que débuta Guy de Maupassant avec sa fameuse nouvelle Boule de Suif. Ce malheureux garçon, rapidement enlevé par la paralysie générale, mérite, une mention, non pour son talent assez court et d’une immédiate brutalité, mais en raison de la vogue extraordinaire que lui valut son exacte adaptation à la médiocrité du goût public. Dans la morne porcherie de Zola, il semblait qu’eût poussé une auge à part, contenant un animal aussi sommaire, mais plus vif. Les contemporains ne se lassaient pas de l’admirer, de confronter à la sienne leur conception de l’existence et de les déclarer identiques. Maupas-