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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

fare du porc endormi en maint lecteur. Je mets dans le même sac (au point de vue littéraire) la bibliothèque rose pour adultes et la bibliothèque verte, en un mot, les bibliothèques sans sincérité, que cette absence de sincérité soit située en deçà ou au delà de la bienséance. Tartuffe, avec sa haine et sa discipline, m’écœure et m’irrite autant que Job, avec son fumier et son tesson ; et l’écueil de la pruderie littéraire est précisément de susciter, par réaction, l’excès inverse, l’insurrection des satyres tristes.

Un grand débat est présentement institué autour de Flaubert, de son œuvre et de sa correspondance. Flaubert a excité contre lui la pruderie agressive dont je viens de parler, avec son meilleur ouvrage, Madame Bovary. Une réaction en sens contraire a fait ensuite de lui un écrivain de génie et un penseur de premier plan. Ceux qui prétendent cela sont au même niveau intellectuel que le procureur qui requérait contre la gracieuse et fragile Emma à l’arsenic. Il n’est rien de plus vide que la Tentation de Saint Antoine, qui est un Faust à l’usage des écoles primaires ; et la documentation de Salammbô (mère de toutes les documentations rococo subséquentes) alourdit inutilement un médiocre sujet d’opéra-comique. Qu’est-ce que Flaubert ? Un grand naïf, traversé par des aperceptions soudaines du comique humain et des sottises de la société. Elle est d’Oscar Wilde (railleur puissant et méconnu, un des maîtres de l’ironie contemporaine, le malheureux !) cette remarque, que le premier vestige humain aperçu par