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L’ABERRATION ROMANTIQUE

montre ni un caractère, ni un trait de caractère ; ni une crise qui ne soit artificielle ; ni un dialogue qui ne soit plat, et plus que plat. Je citerai notamment, dans Thermidor, un récit de la séance fameuse de la Convention, comparable au gâteau dressé de la fête du jardinier, et qui est un chef-d’œuvre de niaiserie. Or, et c’est ici le point qui nous intéresse, chaque pièce inconsistante de Sardou, comme chaque pièce non moins inconsistante (dans un genre plus tarabiscoté) de Dumas fils, occupait la presse pendant deux mois, un mois avant la première, un mois après. On eût dit d’un événement européen. Mais la contre-partie, c’est qu’à la même époque ou à peu près, d’authentiques chefs-d’œuvre dramatiques, comme l’Arlésienne d’Alphonse Daudet, ou les Corbeaux d’Henry Becque, ou la Parisienne du même auteur tombaient à plat.

Les défenseurs du siècle stupide me diront que l’Artésienne a eu, ensuite, en 1885, sa revanche, et que les Corbeaux et la Parisienne ont failli avoir le leur. Ceci ne rachète pas l’erreur initiale, erreur tenant à l’ambiance, à l’atmosphère médiocre du temps, au recroquevillement de l’esprit et du goût, à l’absence de la critique, et qui s’étend dans toutes les directions, du succès de la littérature fade ou inexistante, avec Feuillet, au succès de la littérature scatologique, et non moins inexistante (au pôle opposé) avec Zola. Car, à mes yeux, l’apothéose de l’un, qui truque et estompe les sentiments humains, pour flatter l’hypocrite pruderie, vaut l’apothéose de l’autre, qui table et spécule sur le réveil en fan-