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L’ABERRATION ROMANTIQUE

préfaces qu’il écrivit pour eux sont pires. Chargé du feuilleton dramatique, au Soleil, pendant trois ans, j’ai assisté à un certain nombre de reprises de Dumas fils, me cramponnant à mon fauteuil pour ne pas dormir, me frottant les yeux et refoulant mes bâillements. L’auteur du Demi-monde, de Monsieur Alphonse, de Francillon, etc., ne se rend pas compte du mauvais service qu’il rend à la vertu (d’un abord déjà assez difficile, par la surveillance de soi qu’elle exige) en la faisant, par-dessus le marché, involontairement comique. Si le vice a ainsi tous les avantages, ce n’est plus de jeu. Je ne sais comment s’y prend Dumas fils, pour donner aux pires paradoxes l’apparence de la poncivité. C’est un auteur rudimentaire, au fond, et qui, dans la succession bien connue des apparences et des réalités, ne va jamais, comme on dit en escrime, au delà de la seconde intention. Parmi ses personnages, ceux du sexe masculin sont en général des conférenciers, ceux du sexe féminin de petites oies blanches, ou des gourgandines de la plus plate catégorie. Les uns et les autres manquent de psychologie. Enfin la peinture de mœurs elle-même s’en est effacée, à la façon d’un pastel non protégé, par la transformation lente de ces mêmes mœurs. Le Temps est plus dur, en vérité, aux auteurs dramatiques qu’aux romanciers ; et les coups qu’il leur porte, du manche de sa faux, ne se contentent pas de les défigurer. Ils les abattent… surtout quand ils ne sont pas bien solides sur leurs jambes de prose ou de vers.

Dumas fils, c’est le bel esprit fol qui se croit, et