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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

ses embêtements d’argent, à sa recherche enfiévrée de sa vraie compagne, qui l’a toujours fui ! En voilà un qui eût mieux fait de naître au XVIe siècle, dans cette effervescence cordiale, dans ce tumulte harmonieux, parmi ces femmes tragiquement passionnées, cultivées, et si belles, plutôt que dans ce bric-à-brac qu’il chérissait, comme certains chérissent leur diminution et leur mort. Car il aimait pour de bon, le cher garçon, à une époque où l’on feignait les transports de l’amour ; et il aimait jusqu’en Pologne, dans un temps sans chemin de fer ! Voilà qui doit rassurer les cœurs sensibles sur la pérennité de la comédie humaine, écrite par le Bon Dieu avant celle de Balzac.

Nous avons eu, au XIXe siècle, un très grand auteur dramatique, fondu de Shakespeare et de Marivaux, Alfred de Musset. Aussi son théâtre n’a-t-il connu la vie de la scène, et une partie du succès qu’il mérite, que longtemps après sa mort. Encore beaucoup de critiques continuent-ils à considérer et traiter ses merveilleuses comédies (quand ils en parlent) à la façon de gracieux badinages. Au lieu que les drames de Hugo, qui soulevèrent tant de colères et d’enthousiasmes, nous apparaissent aujourd’hui comme d’une absurdité équivalente à la platitude de ceux de Ponsard, lesquels étaient censés représenter l’esthétique d’en face. C’est un mauvais signe, pour une période littéraire, quand ses contrariétés et oppositions se confondent dans une même sottise. Hugo, qui avait une vision lyrique et égocentrique de l’univers, manquait totalement, et pour cause,