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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

une ironie unilatérale. Elle n’est pas universelle, comme celle du grand-père « que sais-je ? » Renan, incroyant défini, apparaît comme crédule dans la sphère fluide où baigne son incroyance. Montaigne, incrédule total, sourit de la science comme de la foi et encore mieux que de la foi, sourit de la logique comme de l’illogique. Il aurait — s’il eût vécu au XIXe siècle — souri de l’évolution comme du reste et aussi de ces élections de 1885, dont Renan ne sourit fichtre pas ; car Berthelot et lui y voient, avec le retour des « hobereaux », comme la fin de l’intelligence française !

Mais connaissez-vous un petit-à-propos de Renan, qui fut joué à la Comédie-Française, pour un anniversaire hugotique, et qui s’appelait, je crois, 1802 ? Il y avait là une sorte d’ange laïque (un « onge », comme disait Courbet) qui venait annoncer les merveilles du siècle et notamment la naissance du petit Victor. C’était d’un zozo prodigieux ! Notre grand sceptique y apparaissait ainsi qu’un gobeur de toutes les fables qui ont circulé, pendant soixante ans, entre la Sorbonne, la presse, les Académies, et les collèges électoraux. Or cette niaiserie n’était pas accidentelle ; elle était essentielle, et l’on sentait, en l’écoutant, qu’au centre de la papillote renanienne, de ces dorures, de ces pétards, du Jésus-Christ, de Saint-Paul, de l’Averroës, il y avait cela : cette conception fausse du progrès et de la paix universelle, accompagnée d’un tonnerre d’artillerie (on en conviendra), au Siècle des Lumières. Tout émue d’avoir interprété cette rare merveille, un