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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

drapé en petit manteau bleu, est plus haïssable qu’Harpagon cru.

La déveine du XIXe siècle français a voulu que son plus grand critique, et un des plus grands critiques de tous les temps, Sainte-Beuve, ait eu précisément la vision troublée (d’abord par l’amitié et l’amour, puis par la haine) quant à l’aberration romantique. Celle qu’il chanta si indiscrètement, et avec une goujaterie qui stupéfie, l’obnubila-t-elle sur ce point ? Ou quelque autre raison obscurcit-elle ses claires lunettes ? Toujours est-il que c’est quant à l’absurdité foncière du romantisme (si digne de son fouet) qu’il est le moins mastigophore. Dieu sait si sa célèbre malignité, tant reprochée (alors que l’indulgence outrancière est le pire des vices chez un critique) eût pu trouver là l’occasion de s’exercer ! Enfin Sainte-Beuve, remarquable et plutarquien quant aux personnalités, et au rattachement des œuvres à ces personnalités, s’occupe plus des sinuosités capricieuses des courants littéraires que de leurs sources et de leurs embouchures.

Il n’en est pas de même de Taine (un enfant, si on le compare à Sainte-Beuve) et dont l’influence fut naturellement très supérieure à celle de Sainte-Beuve, en raison même de l’époque où il prédomina. Taine est le type du bonhomme système, et l’initiale lubie avec laquelle il aborde un sujet le domine ensuite jusqu’à sa conclusion. Il plie les textes à sa marotte, sans les altérer le moins du monde (car c’est un consciencieux de l’esprit),