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CONCLUSION.

ment de la doctrine dite de l’inconscient, augmentait les ténèbres, dans la mesure où les augmente tout système tendant à diminuer, au bénéfice de la sensibilité, le rôle prééminent de la raison.

Or, il y a une hiérarchie dans les connaissances, qui fait que précisément celle de l’esprit humain (outil de l’art et de la science), si elle s’obnubile, obscurcit en même temps les arts et les sciences qui se trouvent dans son rayonnement. Je ne tracerai pas ici le tableau de l’obnubilation matérialiste, à laquelle nous devons les ouvrages de Zola, les systèmes de Büchner, d’Haeckel, de Lombroso et de Létourneau. L’obnubilation intuitive, si elle se propageait dans le domaine des théories scientifiques et littéraires, aboutirait, sur un autre plan, à des résultats analogues, à une autre formule d’abêtissement, sous la forme angélique de l’évolution créatrice. Il me semble qu’à une forte réalité correspond un idéal fort et que la justification d’un idéal se trouve dans l’expérience humaine, acquise par le laboratoire, ou par la réflexion ordonnée.

Il y a bien longtemps que la philosophie mère, je veux dire la philosophie grecque, avait noté l’importance, pour l’homme, de connaître son propre esprit, et les difficultés qu’il rencontre dans cette recherche introspective. Le conseil de Socrate, gnôti séauton, est un des conseils de sagesse que l’humanité a le moins suivis ; ou, quand elle l’a suivi, ç’a été, comme chez Emmanuel Kant, pour ne tenir aucun compte, dans ses conceptions catégoriques et impé-