Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
LE MONDE DES IMAGES.

images, dans le récipient des mots et des rythmes.

Nous concevons ainsi que les images, qui reviennent sans cesse dans les écrits des poètes supérieurs, sont, non point des fantaisies arbitraires ou éphémères, mais des présences au sein de l’esprit, La mémoire est réellement un feu, ou, plus exactement, l’action d’un feu, le soi, sur les images héritées ou acquises. L’oubli est réellement une ombre, une inclusion de la mort dans l’homme. Je parle ici d’une réalité intelligible, plus forte qu’une réalité visible ou tangible. Si la vie a pu être définie l’ensemble des forces qui résistent à la mort, la poésie peut l’être ainsi : l’ensemble des forces qui résistent à l’oubli. Il est plus sûr de graver sur les âmes, à l’aide d’images, que sur l’airain. Contre la tendance générale de l’humanité au sommeil sans rêves, (sommeil dont l’oubli est le prélude), la poésie est une vigilance.

L’oubli et l’amnésie, comme la mémoire elle-même, ont des conséquences somatiques, fonctionnelles. Les travaux originaux du docteur Paul Solfier nous montrent, à l’origine des troubles musculaires et vaso-moteurs de l’hystérie et de l’épilepsie, de véritables endormements profonds de la personnalité, c’est-à-dire des enténèbrements de personimages. Il est possible de guérir certains de ces malades, en déterminant, par un interrogatoire serré, ces points d’endormement ou d’ombre, et en ranimant, de façon progressive, leurs souvenirs éteints.

L’on peut se représenter la personnalité humaine