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LE MONDE DES IMAGES.

connaissance des lois intrapsychologiques de la succession des images rejoint ici la règle morale et lui donne un fondement intellectuel.

De tous les orateurs que j’ai entendus, le plus saisissant, bien que parfois inégal, était notre cher ami Henri Vaugeois, fondateur, avec Maurras, de notre mouvement d’Action française et directeur politique du journal de ce nom. D’imagination plus représentative et plus émotive que celle de Vaugeois, je n’en ai pas connu. Son extraordinaire rapidité de conception allait tout de suite au cœur des choses et au centre des préoccupations de son public. Dans ses meilleures périodes, une forme, coulée d’un jet ardent et sûr, revêtait une pensée logique, appuyée sur une vaste culture et sur l’amour spontané du prochain. Étant donné qu’il improvisait constamment, la période d’avant-mot et d’avant-phrase était chez lui singulièrement béante, remplie de gestes fins et délicats des mains, comme modelant la personimage accourue à l’appel du désir. Celle-ci changeait brusquement, à la façon d’une image succédant à l’image sur l’écran du cinéma, et, avec elle, l’élocution changeait de rythme, le feu du regard se trouvait modifié, la direction du raisonnement devenait différente, les trouvailles et bonheurs d’expression gagnaient encore en intensité.

On comprenait, en écoutant ce Vaugeois enflammé, puis sagace et persuasif, que le verbe est un prélèvement imagé, fait sur les ancêtres animateurs, et une sorte d’arrachement de l’idéale substance héré-