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noire d’une déconvenue. Plus tard, il vérifiera la justesse de cette intuition, comparable à une ouverture soudaine de l’esprit sur la perspective de l’avenir.

Le poète, le savant, le philosophe, le politique doivent leurs meilleures initiatives à l’intuition. À condition toutefois que l’esprit soit bien et raisonnablement orienté. Il ne s’agit pas d’écouter la première voix qui vous bourdonne à l’oreille : « Fais ceci… ou ça. » L’à-pic intuitif se produit surtout dans la zone du haut bon sens, qui n’est certes pas celle du prud’hommisme. L’usage de l’intuition présuppose une hardiesse, un élan, inclus lui-même dans cette sagesse générale qui est un attribut du soi.

Vous voyez où je veux en venir : l’intuition n’est autre chose, selon moi, qu’une observation seconde, à la puissance « deux », c’est-à-dire à travers une personimage bien équilibrée, à travers un ancêtre sage, qui joue le rôle d’auxiliaire, ou si vous préférez, d’une loupe de précision appliquée sur le réel et découvrant ses perspectives cachées. L’intuition, c’est l’acquit ajouté au témoignage rapide de nos sens par une figure héréditaire ; c’est la rallonge mise à notre vision, à notre audition, à notre sensualité, à notre logique ; c’est notre pénétration mentale mise au carré, multipliée par un aïeul qui fait partie de nous, qui est nous même, pour un temps donné.

Intuition… de tueri, regarder, in, dans… C’est, en effet, le regard tourné vers nous-même, qui nous