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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

CHAPITRE IV

La  Calomnie

La calomnie, monsieur, la calomnie !
Vous ne savez pas ce que vous dédaignez.


Au lendemain du suicide de Boulanger, Clemenceau conversait avec Arthur Ranc, le conseiller de la République française et le doctrinaire du régime. Il avait de l’estime pour ce personnage renfermé, loyal, sans ostentation et qui avait une âme de conjuré. Alphonse Daudet avait de l’amitié pour lui et, s’étant retiré à Champrosay pendant la Commune, avec sa femme et son jeune fils, lui avait ouvert son appartement du 24 rue Pavée, au Marais (Hôtel Lamaignon). Car Ranc était suspect aux Communards et accusé de tiédeur, comme il fut, par la suite, suspect aux Versaillais.

Ranc était chauve, barbu, moustachu, avec une pointe de ventre et un lorgnon. Sa voix était sourde, mais appuyée d’un regard vif et volontiers railleur. Il dit à Clemenceau :

— La boulange est par terre, ce qui n’a rien d’étonnant, vu le ramassis d’imbéciles qui gravitaient autour de ce pauvre général. Mais vous allez voir, contre vous, tous ceux-ci. Tenez-vous bien. Il est vrai que vous aimez la bataille.