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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Comme il achevait, la porte s’ouvrit et Lemaître entra.

— Bonjour, Clemenceau… Madame qu’avez-vous ? Ah ! je vois cela, vous avez reçu aussi cette petite immondice. Rassurez-vous. Cela n’a pas d’importance. L’auteur est un homme déconsidéré, spécialiste de ce genre d’entreprises. Il n’y a qu’à laisser tomber.

Mais Clemenceau, levant le nez et retirant son lorgnon :

— Je ne suis pas de votre avis, Lemaître. Quelqu’un de votre situation, de votre notoriété, ne saurait rester sous le coup d’imputations pareilles.

— Mais que voulez-vous qu’il fasse, mon ami ?.…. dit Mme de Loynes, tout angoissée.

— Il n’a qu’à se batte. Clemenceau enlevait toujours l’r de « battre ». Au besoin je lui servirai de témoin…

— Oh ! mon Dieu, s’écria Mme de Loynes avec épouvante. Mais il ne sait tenir, le pauvre cher, ni une épée, ni un pistolet.

— Il est l’offensé, madame. Il choisira le pistolet. Je lui apprendrai en deux leçons à s’en servir.

— Mais si ce gredin le tue…

— Cela vaudra toujours mieux, madame, que de passer pour un couillon.

Le mot brutal heurta Jules Lemaître, qui répondit tranquillement :

— Je ne savais pas Clemenceau aussi avide de sang. Mais puisqu’il est d’avis que je dois me battre, je me battrai.

— Comme cela les autres crapules vous ficheront la paix.

— Il ne pourrait pas plutôt aller devant les tribunaux ?