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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

maîtresse de maison — ce que votre ami Clemenceau pense aujourd’hui de son protégé, ce que Warwick pense de son Roi…

— Clemenceau, déclara Déroulède, je me méfie de lui, nous sommes en train de réunir un dossier contre lui.

— Méfiez-vous surtout, reprit Lemaître, de l’authenticité de votre dossier.

— Nous n’acceptons que des pièces sérieuses, indiscutables,

— On les croit toujours telles, pour commencer…

Lemaître fit entendre son petit rire qu’interrompit Mme de Loynes :

— Monsieur Lemaître, vous êtes insupportable. Laissez parler M. Thiébaut.

— La popularité du général offusque Clemenceau, madame, il prétend monopoliser le patriotisme et la Revanche.

— Comédie ! ajouta Déroulède.

— Pourquoi comédie, ami Déroulède ? Je crois là-dessus Clemenceau sincère.

Il fut ensuite question de Rochefort, emballé pour le général et du bossu Naquet, qu’on ne s’attendait pas à voir aux côtés du cheval noir.

— Naquet a de l’influence chez les radicaux. Cette influence contre-balancera celle, devenue hostile, de Clemenceau.

Comme on arrivait au dessert, le directeur du Figaro, Francis Magnard, se fit annoncer : œil aigu, barbe soignée à peine grisonnante, veston gris et cravate bleue, parler assez bref.

— Vous tombez bien, Magnard, dit Lemaître. Il s’agit de savoir si l’on doit adhérer au boulangisme et pourquoi.