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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

de son instruction. Ah ! c’est embêtant, quand on n’a plus la mère, d’avoir des enfants sur les bras.

— En toute occasion, ami Clemenceau, adressez-vous à moi. Vous savez que je vous suis toute dévouée et qu’aucune démarche ne me coûte quand il s’agit de vous. À ce propos j’ai vu Magnard et je lui ai parlé de vous, comme d’un collaborateur éventuel au Figaro, ce qui, m’avez-vous dit, vous aiderait à joindre les deux bouts.

— Et que vous a-t-il répondu ?

— Qu’il accepterait volontiers votre collaboration anonyme, mails qu’il craindrait que votre signature n’effrayât ses abonnés conservateurs, c’est-à-dire tous ses abonnés et presque tous ses lecteurs au numéro.

— Une collaboration anonyme serait vite éventée et la chose me nuirait à la Chambre et auprès de mes électeurs. Seule une collaboration ouverte et franche…

— Vous avez tant d’ennemis !

— J’ai aussi, comme amis, tous les ennemis de mes ennemis.

Mme de Loynes rit et frappa de son petit éventail démodé la manche de son interlocuteur., C’était chez elle un signe d’amitié. Elle continua :

— J’ai aussi touché un mot de votre collaboration à Hébrard, pour le Temps. Il m’a dit : « Mais comment donc, cela rajeunirait mon journal. Nous en reparlerons. Vous savez que la plupart de mes collaborateurs sont ferrystes. Bourde est un colonial acharné. Et dame, Clemenceau c’est leur épouvantail. » Au fait, ami cher, pourquoi en voulez-vous tant aux colonies ?

— Vous me le demandez ! Parce qu’elles nous détournent déjà et nous détourneront, de plus en