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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— J’ai de bons renseignements sur Driant. Je désirerais le rencontrer.

— Quand vous voudrez. Lui aussi est républicain.

— l’atmosphère de la Revanche est partout. J’ai peur que le général soit circonvenu par les réactionnaires, ce qui m’amènerait à le combattre. Je désirerais avoir une conversation, intime et secrète, avec lui

— Quand vous voudrez, monsieur le député, où vous voudrez, et comme vous voudrez,

Quelques jours après, comme il était convenu, Clemenceau et Boulanger se rencontrèrent dans une maison neutre, dont on avait, en cette occasion, renvoyé les domestiques. Ils se serrèrent la main.

— Général, dit Clemenceau, je pense à vous pour le Ministère de la Guerre dans le cabinet qui va remplacer celui de Brisson. J’ai sur vous les meilleurs renseignements. Vous avez des amis fort actifs. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre mon influence politique à la disposition de votre candidature. Que ceci reste entre nous. Il suffirait d’une indiscrétion pour que votre essor fût arrêté. Vous rendez-vous bien compte de ce qu’est, en République, l’importance de votre fonction ?

— Je le crois, monsieur le député.

— J’ai été maire de Montmartre, au cours de la journée du 18 mars 1871, où vous avez été blessé. J’ai gardé, de l’émeute et de ses excès, moi jacobin, une profonde horreur. Et vous ?

— Moi aussi, monsieur le député.

— Mais la répression sanglante de Gallifet ne m’a pas été moins odieuse. Et vous ?…

— Elle m’a paru atroce, excusable à la rigueur, mais atroce…

— En quoi ex-cu-sable ?