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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Cependant des tractations commençaient entre les radicaux et les gens de droite impérialiste, dont le chef était Paul de Cassagnac, tempérament violent et courageux, manœuvrier habile, auquel nuisait seulement un léger défaut de parole.

L’opinion publique était partagée. Brière de l’Isle, Négrier, Courbet, Dominé avec l’héroïque défense de Tuyen Quan, jouissaient à Paris d’une certaine popularité, qui compensait l’impopularité de Ferry. Celui-ci avait contre lui un physique de maître d’hôtel à gros nez et à favoris, une timidité qui l’empêchait de s’expliquer à la tribune, des manières froides et distantes. Cependant son personnel immédiat lui était attaché, et comme tel haïssait Clemenceau, lui prêtait les pires noirceurs et, pour son journal qui battait de l’aile, des combinaisons malpropres. Ne couchait-il pas avec une actrice célèbre ? Ne le voyait-on pas souvent à l’Opéra, parmi les jolies filles du ballet ? Tout cela était louche. En outre, un grand nombre d’hommes d’argent, qui ne valaient pas mieux que Cornélius Herz, voyaient, dans les entreprises coloniales, des perspectives d’affaires fructueuses, quand l’occupation serait achevée. Comme disait Clemenceau : « On commence par des missionnaires, on continue par des militaires, et on finit par des banquiers. » À quoi l’on pouvait répondre que chaque chose humaine a son avers et son envers. La monarchie avait eu aussi ses requins : les Semblançay et les Fouquet. Mais elle savait, le moment venu, ouvrir sévèrement ces ventres trop dorés.

À chaque réunion de Fernando, Clemenceau, maintenant, de sa voix incisive, attaquait la politique coloniale.

Le problème demeurait indécis, quand brusque-