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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— C’est qu’il lui avait fait mal, dit Clemenceau. Ah, ces parnassiens !

— Est-ce que vous lisez quelquefois ses articles dans le Gil Blas, patron ?

— Non, Les cochonneries ne m’intéressent pas. Zola me suffit.

Comme on remontait la rue Montmartre, les trois amis aperçurent, devant une pharmacie, un rassemblement, au milieu duquel on remarquait un gardien de la paix, tenant par la main une petite fille qui pleurait. Elle avait la figure tuméfiée et saignante.

— Qu’est-ce qui lui est arrivée, à cette gosse ? Elle est tombée ?

— Non, c’est son père qui l’a frappée avec un tisonnier.…

— Quelle brute ! Comment t’appelles-tu, ma petite ?

— Nini Clanchepain, monsieur.

— Clanchepain, ça me dit quelque chose. Tu habites bien rue de Trévise.

— Oui, monsieur.

— Son père est chaudronnier, monsieur le député. C’est un de vos électeurs influents, ajouta le brave sergot, non sans malice.

— Ça n’en est pas moins un fameux salaud. Suivez-moi, je vais la panser chez le pharmacien, Ça me rappellera mon dispensaire.

Quand il vit à qui il avait affaire, le pharmacien s’empressa et Clemenceau, retrouvant son métier, lava la plaie avec précaution, fit un pansement sommaire et dicta un petit rapport de trois lignes qu’il fit remettre au commissaire de police. Ce soir l’enfant coucherait chez la concierge de la Justice, Le lendemain, on verrait. Nini, qui avait