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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Sur ce point, je partage ses opinions. Pour sa politique coloniale.

— J’ai un frère missionnaire en Chine. Il est terriblement exposé. Les Chinois sont très montés contre nous, et puis il y a les Pavillons noirs… Monsieur le député, pourquoi nous en voulez-vous ? Nous ne faisons de mal à personne.

— Je vous en veux, parce que vous obéissez à un Souverain étranger.

— Comment cela ?

— Vous êtes soumis, en tout et pour tout, à l’autorité du Pape.

— En ce qui concerne les choses spirituelles, sans doute… mais les autres.

— Et aussi dans ce que vous appelez les matières mixtes. Je suis patriote d’abord. Une pareille pensée m’est insupportable.

— Moi aussi je suis patriote, monsieur Clemenceau, et là-dessus nous pouvons nous entendre. J’ai eu un autre frère tué en 70, à Buzenval.

— Oui, la France est une famille divisée. Il faut la recoudre.

— Sans faire craquer l’étoffe des deux côtés. Je suis content de vous avoir vu.

— Pourquoi cela ?

— Parce que vous avez une bonne figure.

— Vous aussi.

— Et parce que vous irez loin…

— Pas plus loin que le cimetière.

— Mais très tard et après une grande victoire, quand vous vous serez vaincu vous-même.

— Monsieur Clemenceau, dit l’hôtelier, vous allez manquer votre train.

— Merci, mon ami. Que vous ai-je donné comme pourboire ?