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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

CHAPITRE II

Le journal, la Chambre et la griserie
du succès


Vers le milieu de janvier 1885, dans les bureaux de la Justice, rue du Faubourg-Montmartre, on fêtait le cinquième anniversaire du journal et l’on attendait, pour boire un verre de champagne, le patron Clemenceau. Il était entouré de l’estime et de l’affection de tous ses collaborateurs. Quelques-uns l’admiraient tout particulièrement et le croyaient promis à un haut destin. Parmi ceux-ci. Camille Pelletan, rédacteur en chef, polémiste acerbe et dessinateur enragé, qui croquait le patron sous toutes ses formes, notamment en Macbeth recevant la prophétie des sorcières : « Salut à toi, qui seras roi ! » Aux côtés de Pelletan, Gustave Geffroy, bleu de Bretagne fidèle au bleu de Vendée et qui parlait en serrant les dents : « C’t’épatant. Clemenceau a été, est, sera épatant. » Puis Louis Mullem, le beau-frère de Léon Cladel, gras, pessimiste, polyglotte et souriant, dont les yeux aux paupières plissées s’attendrissaient quand quelqu’un prononçait le nom de Clemenceau. Musicien de premier ordre, excellent écrivain et romancier, Mullem était railleur et trouvait à tout bout de