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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Cornélius Herz, qui avait pressenti la fortune politique de Clemenceau, prêta sans ronchonner la somme manquante, sans pour cela obtenir, au conseil d’administration de la Justice, la place qu’il sollicitait : « Je veux bien de son argent, je ne veux pas de sa collaboration », disait gaîment le patron.

Il ajoutait : « Les financiers n’entendent rien à la politique. Ils croient qu’on peut tout faire avec de l’argent et ce n’est pas vrai. Ainsi moi, pour dix mille francs, on ne me ferait pas assister à la messe. »

Son anticléricalisme était ardent et sincère, ainsi que son antimonarchisme. Son père lui avait enseigné l’horreur du « gouvernement des curés ». Il professait, avec tous les radicaux, que le Pape ne doit pas se mêler des affaires de la France et faire de celle-ci une seconde Italie. Quant à l’enseignement d’État, il devait être laïque et obligatoire. Assez des Jésuites, des Ignorantins et de leur emprise sur l’âme des enfants ! Les généraux sortis des jésuitières étaient tous des aspirants au coup d’État.

On l’avait vu, au 16 mai, avec la présidence de Mac-Mahon. Il comptait bien, quand il arriverait au pouvoir, par le jeu naturel du parlementarisme et de son « oblique à gauche », mettre le haut commandement ainsi que les évêques au pas, et opérer la séparation de l’Église et de l’État en faisant appel aux masses ouvrières, sans toutefois permettre à celles-ci de recommencer le coup de la Commune. Un gouvernement scientifique, uniquement scientifique, voilà ce que serait le gouvernement radical, avec une forte autorité au centre, la sienne. Quant aux amiraux, aux « fils d’archevêques », comme