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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

félicités individuelles auxquelles il ne cesse d’aspirer, en le soulageant des craintes qui ne cessent de l’assiéger. Le bonheur à la portée de nos plus émotives dévotes est encore aujourd’hui d’une construction de primitivité. Souffrir le moins possible sur la terre, et jouir par anticipation, on ne sait où, d’un éventuel on ne sait quoi, atteste, comme aux premiers jours, des simplicités d’entendements. La bête fuit la souffrance comme nous-mêmes, mais n’a point accès aux généralisations qui, aspirent à commander le « devenir ». Il doit être permis à l’homme évolué de chercher au delà des besoins de la mentalité du quaternaire.

La qualité du bonheur sera plus affinée et la valeur de la souffrance, aux estimations générales de notre vie, pourra trouver une plus sûre atténuation dans le redressement d’un stoïcisme capable de porter l’homme au plus haut de lui-même. Ne voit-on pas que tous ceux qui ont affronté les tortures et la mort pour une idée ont cherché des satisfactions au delà de la commune mesure, et paraissent les avoir trouvées. Le discours de Socrate à ses juges est-il donc de gémissements ? Le condamné regarde la mort avec placidité. « Le temps est venu de nous séparer, dit-il simplement, à ses bourreaux, vous pour suivre et moi pour mourir. Le Dieu seul pourrait dire à qui revient la meilleure destinée, »

Puis sur la faculté d’imagination :

Si l’action était égale à la réaction, il n’y aurait pas d’évolution, et l’univers serait d’un pendule éternel sans aucun déplacement d’énergie. C’est la différence de l’action à la réaction qui produit l’évolution. Et bien que nous échappe la conscience des mouvements de la vie végétative, c’est le sentiment