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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

rites, ses cultes, sa philosophie, sa métaphysique, ont envahi notre terre d’Europe et s’y sont développés avec exubérance. Nous sommes là en pays familier. Les superstitions, les magies de l’Asie antérieure sont encore nôtres. Elle nous a donné son dernier Messie, et, par une ingratitude noire, nous avons maudit, persécuté, torturé le peuple qui l’enfanta. Je confesse qu’il l’avait mis à mort. Mais comment ne pas nous en féliciter puisque, sans le Golgotha, nous n’étions pas sauvés. Et puis, quels massacres de frères chrétiens, ont suivi ! Avons-nous donc le droit de répudier l’intolérable synagogue, après l’avoir si copieusement imitée ?

Clemenceau, c’est le « consciencieux de l’esprit », tel que Nietzsche l’a défini. Mais on ne peut qu’user d’indulgence, pour sa bonne foi et sa naiveté, quand il écrit :

Longtemps nous a-t-on chanté la merveille théâtrale d’une « Révélation divine », en poétique contraste avec les incertitudes de connaissances, péniblement obtenues, de méconnaissances enchevêtrées. Aujourd hui, cependant, beaucoup commencent à se demander si l’issue n’est pas plus belle d’une victoire longtemps balancée, et conquise à force d’héroïsme contre les résistances du Cosmos, que la facile attribution d’une connaissance « révélée » sans la mise en œuvre d’un effort d’humaine volonté. Que d’âges d’impuissance pour découvrir qu’il n’y a dans l’homme, de beauté supérieure, que par la continuité d’une évolution organique à laquelle sa fonction individuelle est de collaborer.

Et enfin, pour en terminer avec le premier volume :