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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

dature à la présidence de la République et que, s’ils passaient outre et obtenaient pour moi une majorité des voix, je refuserais le mandat ainsi confié.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma considération.

G. CLemenceau. »

Ce même jour avait eu lieu la première réunion de cette mystification dangereuse, le Conseil de la Société des Nations. J’ai entendu, de mes oreilles, à la Chambre, cette parole de Clemenceau à un député partisan de la chimère : « Vous y croyez, vous, à la Société des Nations ? » Ce qui prouve que lui n’y croyait pas.

Quand une personne de l’entourage de Deschanel apprit son élection à la Présidence, elle dit simplement : « Trop tard. »

Dès les premières semaines de sa Présidence, qui comblait ses vœux, le pauvre Deschanel donna en effet des signes de dérangement cérébral. Recevant M. Lloyd Gcorge, celui que Briand appelait « m’sieur Leude Djorge », il lui reprocha avec acrimonie l’attitude de l’Angleterre pendant la guerre et le fait que l’Empire britannique n’avait pas hasardé sa flotte et n’avait eu que 900.000 hommes de tués. Ahuri et irrité, M. Lloyd George alla se plaindre à Clemenceau qui lui fit comprendre que l’hôte de l’Élysée n’était pas parfaitement compos sui. Quelque temps après, Alfred Capus, rentrant de soirée par une belle soirée, et longeant le jardin de l’Élysée, vit Deschanel, qui se dissimulait, en frac, dans un taillis. Le pauvre égaré avait un doigt sur ses lèvres et dit à Capus interdit : « Ils ne m’auront pas ! » De nombreuses excentricités abou-