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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

l’on trouverait bien le moyen de l’anéantir pratiquement et vite.

C’est dans cet ensemble petit-bourgeois et sordide que se propagea un réseau d’intrigues d’où devait sortir cet attentat inattendu contre la personne et la vie du sauveur de la Patrie. Attentat à retardement, bien entendu. Il devait se continuer mystérieusement, par la disparition de Mangin, puis par l’assassinat de Paul Doumer, lors d’une exposition du Livre, quelques années après.

En dépit des difficultés de toute sorte qu’il rencontrait dans sa nouvelle tâche, Clemenceau avait connu des heures incomparables avec l’entrée à Metz et à Strasbourg en compagnie de la sécheresse exaltée de Poincaré, qui lui était plus insupportable que jamais. Du fait même de son euphorie, l’antipathie lui était devenue une souffrance et il avait eu une stupeur quand en novembre, à Strasbourg, son « encrotteur quotidien » Poincaré s’était brusquement jeté à son cou… Stupeur enregistrée par le cinéma : « Le genre effusion, dit-il, ne lui va pas. » Vis-à-vis de la merveilleuse Alsace recouvrée, comme sortie d’un cauchemar, de ses villes charmantes et anciennes, de ses paysages délicieux, de sa population affable et résolue, de ses filles aux traits fins et aux joues fraîches, aux yeux desquelles il était le grand-père miraculeux, il sentait son cœur fondre de tendresse. Il avait gardé la vision des Contes du Lundi d’Alphonse Daudet, celle de la Dernière classe et du Juge de Colmar. Avec cette différence que les Alsaciens tenaient à leur muttersprache, dialecte germanique à peine déformé, et étaient attachés à leurs croyances religieuses, dont était tissée leur vie quotidienne. Pour aplanir les difficultés surgissantes — l’Al-