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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

encore. Les Tuileries flambaient. Proximus ardet Ucalegon. Le Louvre avec tous ses chefs-d’œuvre avait failli flamber. Puis la répression de Thiers et de Gallifet, presque aussi atroce. Mais en certaines circonstances terribles — et celle-là en était une, avec l’ennemi campant sous Paris, le devoir n’était-il pas de réprimer…? Villeneuve-Saint-Georges, Draveil, et Clemenceau entendait encore le téléphone fui annonçant que, sur son ordre exprès, le général Virvaire avait tiré. S’il n’avait pas tiré, six heures après c’était l’insurrection et il eût fallu sévir cent fois plus, et c’eussent été, cette fois, des milliers de cadavres.

L’évocation imaginative, stimulée par les dernières nouvelles venant de Rethondes, continuait à se promener dans les plates-bandes du souvenir. Après 70, que d’humiliations venues des vainqueurs, pendant que lentement, progressivement, surveillée par l’ambassade allemande de Paris, se refaisait l’armée française. Puis ç’avaient été les luttes politiques, mais de quel faible et inexistant intérêt à côté de la question allemande, posée depuis Charlemagne, puis, plus loin depuis César ! Était-ce enfin cette fois la solution ? Cela dépendait de ce que serait la paix. Cette paix, que serait-elle avec tous ces alliés enchevêtrés, avec l’Angleterre, avec l’Amérique, avec les jalousies et les luttes intestines ? Clemenceau préférait n’y pas penser à chaque jour suffit sa peine, et ce jour qui allait se lever devait être un des plus joyeux, un des plus beaux de notre Histoire.

« Et c’est moi qui préside à cela ! Qui me vaut cet honneur et cette chance ? En quoi ai-je mérité ce bonheur, après lequel on peut mourir…? » L’orgueil absolu, tranchant, dominateur n’était pas le fait