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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Eh bien ! non, il n’y aurait pas eu de victoire pour amnistier tant de crimes, pour faire oublier plus d’horreurs que les peuplades primitives n’en avaient pu accumuler. Et puis la victoire annoncée n’est pas venue et le plus terrible compte de peuple à peuple s’est ouvert. Il sera payé.

Car, après quatre ans d’une gloire ingrate, voici qu’un renversement de fortune inattendu — non pour nous — amène, après le grand reniement germanique de la civilisation universelle, le grand recul des armées du Kaiser devant les peuples de conscience affranchie. Oui, le jour annoncé depuis plus d’un siècle par notre hymne national est vraiment arrivé ; les fils sont en train d’achever l’œuvre immense commencée par les pères. La France n’est plus seule à justifier les armes, suivant la parole de notre grand penseur. C’est tous les peuples frères, dans une communion du droit humain comme il ne s’en vit jamais, qui vont achever la suprême victoire de la plus haute humanité.

Qui donc pourrait rêver d’avoir vécu, même dans le sang et les larmes, une plus belle histoire de l’homme pour une plus belle destinée ?

Civils et soldats, gouvernements et assemblées de L’Entente, tous furent au devoir. Ils y resteront jusqu’au devoir accompli. Tous dignes de la victoire parce qu’ils sauront l’honorer.

Et cependant, dans cette enceinte où siègent les anciens de la République, nous nous manquerions à nous-mêmes si nous pouvions oublier que l’hommage suprême de la plus pure gloire va à nos combattants, à ces magnifiques poilus qui verront confirmer par l’histoire les lettres de noblesse qu’ils se sont eux-mêmes données. Héros au stoïcisme souriant qui, à cette heure même, ne nous demandent rien que le