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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

les drames de la guerre, il ne s’en entendra jamais de pareil. Un cri capable de fondre ensemble tous les cœurs d’humanité. L’homme s’offrant avec ses compagnons de gloire douloureuse pour l’apothéose d’une idée qui l’emporte au plus haut de lui-même. Dans ce suprême éclat des émotions guerrières, le total raidissement de l’être qui va déterminer l’issue.

Et du geste, ce commentaire :

— Nous répondons de tout.

Et le vieillard, étranglé d’une émotion surhumaine, serrait de toutes ses forces une main de fer, ne savait que balbutier des paroles sans suite et jurer que ce petit faisceau de fleurs sans couleurs et sans sève, gage de la plus sublime offrande d’idéal, ne le quitterait plus.

Clemenceau spécifia par son testament que ce bouquet devrait être placé auprès de lui, dans son cercueil.

À Paris on sut rapidement que ces heures des 14 et 15 juillet se terminaient à notre avantage. En effet la lueur rouge intense qui était sur la ville, accompagnée d’un roulement lointain d’artillerie, s’effaça et disparut peu à peu, tandis que le tonnerre se taisait. Personne n’en fut étonné : « Parbleu, Clemenceau est là. » Mais la certitude du grand succès, qui nous permettait de reprendre l’offensive, ne fut connue complètement qu’au procès Malvy devant la Haute-Cour, pendant l’audience du 19 juillet. Juges et témoins eurent ainsi la primeur de la nouvelle.

J’étais dans la salle des témoins, haute et spacieuse, avec le contrôleur Auguste Moreau, de la Sûreté Générale, celui qui avait intercepté, dans mon courrier, la lettre qui permit l’arrestation de