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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

ment en ce qui concernait les agents doubles ; mais il était, dans la guerre moderne, indispensable. On le vit bien le 27 mai 1918, au Chemin-des-Dames, où une formidable offensive allemande nous surprit, alors que le Haut Commandement ne s’attendait à rien de tel ! Nos premières positions furent enlevées, puis les secondes. L’ennemi, en trombe, franchit l’Aisne et poursuivit son avantage, en faisant un énorme butin, vers le Sud. En même temps, reprit le bombardement par la Bertha, qui avait cessé du 2 au 27 mai.

C’était un terrible coup pour Foch, au lendemain du jour où, grâce à Clemenceau, il était devenu le grand chef des armées alliées. Il s’en rendit compte et c’est de là que data sa hargne contre le Vieux, qui poussa la générosité jusqu’à défendre, contre les furieuses attaques parlementaires, le soldat malheureux. On devait comprendre par la suite quel immense et nouveau service le ministre de la Guerre de 78 ans avait rendu à la nation en se refusant à lâcher son principal collaborateur.

C’était aussi une grosse bûche pour le général Duchesne, que l’on avait laissé dans son coin, qui s’en plaignait avec raison et que le Vieux réconforta. En quittant le général Duchesne, celui-ci se rendit à Provins, au quartier du général Pétain, où l’on était fort inquiet, l’ennemi continuant sa marche vers la Marne. Quant au général de Maudhuy, qui commandait le corps d’armée du Chemin des Dames, il ne se rendait pas encore compte de la façon dont les choses s’étaient passées. Le président du Conseil et le général Mordacq regagnèrent Paris vers 8 heures du soir. Le lendemain ils partaient pour Trilport avec René Renoult, personnage des plus médiocres, comme la suite le prouva, mais