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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Les mesures pour combattre la pièce ennemie sont en voie d’exécution.

Les Berthas — il y en avait trois — tirèrent, nous dit le général Mordacq, du 23 mars au 8 avril 1918, 183 projectiles sur Paris et 120 sur la banlieue. Elles tuèrent 129 hommes, 132 femmes, 14 enfants et blessèrent 121 personnes.

Le 24 mars, un Conseil des ministres sérieux prit les dispositions nécessaires, pour la mise à l’abri du grand livre de la Dette publique, de l’encaisse de la Banque de France, des titres et dépôts en numéraire, des principales banques et « de toutes les valeurs que renfermait la capitale ». Il en était de même des principales archives de l’État, de celles des notaires et des avoués. On comprit alors ce que comportait, ce que signifiait la couverture militaire d’un pays : exactement tout. « Quant aux usines, dit le général Mordacq, tout fut prévu pour faire enlever rapidement leur outillage ou le détruire, s’il n’était pas possible de l’emporter, »

Mais la population parisienne — dont j’étais — sentait au commandement une main ferme, et, chose remarquable, l’angoisse contenue ne s’accompagna d’aucun trouble. Dans les lieux publics, dans le métro, dans les autobus, une seule consigne : « Le Vieux est là… On les aura. »

Le 24 mars à Compiègne, les nouvelles, derechef, étaient mauvaises. Les Allemands étaient persuadés que la route de Paris était ouverte.

Alors Pétain boucha le front, et la force des deux armées d’attaque de Ludendorf fut ébranlée. Pétain avait également constitué, avec des divisions tirées des 5e et 10e armées, une réserve prête à manœuvrer.

« Le 25 mars — dit Mordacq — fut une grande