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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

il pas un Président de la République de Bourges ? Ce serait aussi bien qu’un Président de la République de Bordeaux. » Et de rire. Mais sous ce rire, il y avait la plus grave préoccupation. Il dit aussi à Ignace : « Mon vieux, nous quitterons Paris les derniers, vous et moi. Mais le dernier mot n’est pas dit »[1].

Le nouveau bombardement de Paris fut d’abord attribué à des avions allemande montés à 4.000 mètres, étage considérable pour l’époque. Mais, après examen et constatation d’obus rayés, il fallut convenir qu’il s’agissait d’une pièce de canon à longue portée, que l’on sut vite installée à Fère-en-Tardenois, patrie du poète inspiré et diplomate berthelotien Paul Claudel.

Paris, pendant ces journées-là, vécut dans des transes mêlées de défi. Le malheur des Allemands voulut que, le vendredi saint de cette même année, un obus de la nouvelle Bertha vint défoncer la coupole de l’église Saint-Gervais, vers l’heure historique de la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Quatre-vingts morts innocents et de nombreux blessés furent le bilan de ce bombardement terrestre. Le communiqué suivant parut, atténué quant aux résultats, comme il convenait :

Paris, 28 mars, 15 heures.

L’ennemi a tiré sur Paris avec un canon à longue portée. Depuis 8 heures du matin, de quart d’heure en quart d’heure, des obus de 240 ont atteint la capitale et la banlieue.

Il y a une dizaine de morts et une quinzaine de blessés.

  1. Le propos m’a été rapporté par Ignace en personne.