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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Clemenceau, dont ils ignoraient que chaque nuit il couchait chez lui rue Franklin, plus difficile à repérer.

La presse annonça synchroniquement en février l’arrestation du sénateur Charles Humbert et la mise en train du procès du Bonnet rouge. J’avais connu cette grosse gelée tremblotante de Charles Humbert du temps que, directeur du Journal, il téléphonait, devant ses visiteurs, aux généraux qu’il tutoyait. Il m’avait raconté qu’il était en butte à des menaces de mort et demandé comment je m’y prenais, malgré mes « terribles campagnes » pour échapper à mes ennemis. Je lui avais répondu « en les faisant emprisonner ou fusiller ». J’ai toujours pensé qu’il avait pu commettre, en raison de son incommensurable vanité, des imprudences. Mais il m’a toujours paru invraisemblable qu’il eût délibérément trahi. Tout au plus avait-il effrayé Henry Letellier pour prendre sa place.

Dès le début de mars — mois qui faillit nous être fatal et qui, avec l’incapable Painlevé, nous eût été certainement fatal — le bruit courut d’une prochaine offensive allemande, conduite contre le front anglais par Ludendorf, le véritable chef des armées envahissantes à cette époque.

Cela commença, le 8 mars, par le discours suivant de Clemenceau à la Chambre, que souligna, le même jour, un nouveau raid allemand sur Paris.

M. Renaudel sait bien que je ne peux m’expliquer sur des faits dont je ne suis pas responsable. Mais il m’accuse d’un crime politique déterminé sur lequel je tiens à me défendre. On m’accuse de laisser faire des campagnes. J’en suis fâché. M. Renaudel et ses amis sont de grands libertaires. Ils y ont été habitués par la protection de la censure. Il fut un temps où