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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Lorraine. » Il s’en fichait profondément, ne sachant même pas, où se trouvait Strasbourg, par rapport à Mulhouse et à Colmar, ni « si c’était bien le Rhin qui passait par là. » Capus disait de l’habitacle de Briand avenue Kléber : « c’est un capharnaüm de chaussettes sales et de bouts de cigarettes. » Ce qui est sûr, c’est que « le voyou de passage » avait pris sous son bonnet de s’aboucher avec Lancken, le plus habile et dangereux des émissaires de Guillaume II et qu’après le départ de Lancken de Belgique on trouva sur son bureau (voir Mémoires de Ribot), et bien en évidence, des papiers établissant qu’un seul personnage politique français avait paru qualifié, à l’époque, pour une aussi louche transaction : l’homme du Zappeion et de la princesse grecque.

La crainte que Briand, comme quelques autres, avait du Tigre, d’ailleurs trop indulgent à leur endroit, l’empêchait de comploter ouvertement contre lui. Il se contentait de baver dans les coins en roulant son éternelle cigarette, et d’interroger Loucheur sur la situation vraie des affaires. Il souhaitait une grosse mistoufle qui amenât la chute du cabinet dont il n’était pas.

Les circulaires de décembre 1917 refoulaient dans un emploi à l’intérieur tout divisionnaire, brigadier ou colonel ayant dépassé respectivement 60, 58 et 56 ans, et ne présentant pas, suivant ses chefs eux-mêmes, la vigueur intellectuelle et physique que réclamaient les circonstances. Cette mesure eut, vers la fin de la guerre, les plus heureux effets.

Quant aux préfets et sous-préfets ils avaient besoin d’une épuration sérieuse et, qui fut exécutée sans faiblesse. C’était ici le domaine de Mandel, pour qui l’administration n’a pas plus de secrets que le