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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

nettoyait ce qui lui restait de bibelots et qui avait peur de les casser, lui dit : « Monsieur le Président devrait bien leur dire ce qu’il a sur le cœur. Ça serait le moment. »

Cela se passait vers le 20 juin 1917. Il avait eu dans les mains le rapport Pétain, signalant les essais de décomposition de l’avant par l’arrière, la pénétration des armées par les tracts défaitistes, la distribution du Bonnet Rouge et de ses succédanés. Tout à coup il apprit que l’administrateur du journal d’Almereyda, un ancien secrétaire de Dausset, du nom de Duval, avait été arrêté à la frontière, à Bellegarde, porteur d’un chèque important, au nom d’un banquier allemand, Marc de Mannheim.

Il fit venir celui qui avait fait saisir le chèque[1]… Comme président de la Commission de l’Armée au Sénat, il en avait le droit. C’était un fort brave homme, universellement connu comme tel, un peu sourd, le contrôleur général Auguste Moreau ; il lui demanda :

— Qui avait averti votre service du passage de Duval à Bellegarde ?

— Un anonyme, monsieur le Président, par une lettre saisie dans le courrier de M. Léon Daudet, co-directeur de l’Action Française.

— Comment avait été saisie cette lettre ?

— Par nos services, monsieur le Président,

— M. Daudet est-il au courant ?

— Je le pense, monsieur le Président.

En possession de cette certitude, Clemenceau courut chez Ribot.

— Est-il exact que l’administrateur du Bonnet

  1. Par l’interception d’une lettre trouvée, à mon insu, dans mon courrier.