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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

tement des maladies. Mais il s’était aperçu que celui-ci, fils de la Bretagne, était croyant et cela demeurait une tare à ses yeux. Comment pouvait-on concilier la biologie, l’anatomie, la physiologie avec le mystère de l’incarnation ? Homme très doux et discipliné pour ce qui concernait la vie courante, le bon docteur était à arêtes dures pour les choses de la foi ; ce qui fit qu’il n’y eut pas d’intimité entre les deux hommes. Assister à la messe du dimanche eut été au-dessus des forces de « monsieur le président ». Il restait enfermé dans sa cabine à piocher la démocratie.

Car c’était là le sujet peu mariolle qu’il se promettait de traiter devant les Argentins et les Brésiliens et il avait soigneusement dressé le plan de ses six conférences : l’avènement et l’installation de la Démocratie ; la Démocratie et le Parlement ; la Démocratie et le Gouvernement ; la Démocratie et le Socialisme ; la Démocratie et la Religion ; la Démocratie et la Guerre.

En Argentine, comme au Brésil, ces conférences eurent peu de succès, parce que trop exclusivement doctrinales et parce que l’orateur ne se laissa pas aller aux personnalités où il était maître. On alla l’écouter à cause de son nom et de sa réputation, non pour les sujets qu’il traitait. Invité par les notables, il trouva ces dîners officiels exotiques aussi ennuyeux à Buenos-Aires qu’à Paris. Quant à la colonie française et à ses représentants diplomatiques et commerciaux, il en eut vite assez. L’art de la conférence est assez différent de celui du discours politique. Les gens viennent écouter une conférence pour s’amuser d’abord, pour s’instruire ensuite. Ils y viennent enfin pour la personne du conférencier.