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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

aussi utile que l’engueulade. Clemenceau ne cédant pas, ce fut le valeureux poltron de neveu qui céda.

Aux élections sénatoriales de 1909 Clemenceau était réélu dans le Var.

Tous les goûts sont dans la nature. Clemenceau, ayant de l’amitié pour Thomson, en raison de sa fidélité à la mémoire de son ancien adversaire Gambetta, avait fait de lui un ministre de la Marine. L’essai fut malheureux, en raison des terribles accidents qui se produisirent dans la flotte. Un débat à la Chambre qu’eut le patron avec Delcassé, et les dures paroles qu’il adressa à celui-ci, amenèrent la chute du Ministère. Clemenceau partit pour Carlsbad, puis se retira dans une petite maison sise à Bernouville près de Gisors, qu’il avait achetée après avoir, enfin, liquidé ses dettes d’imprimerie, lesquelles, toujours, l’avaient poursuivi. De là il pouvait rendre visite à son cher Claude Monet, à Giverny. Trois années de pouvoir avaient trempé, avec son bon sens, son énergie. Il se sentait rassemblé comme jamais, passant du repos de la campagne aux alarmes et alertes de la politique. Cependant un point le chagrinait : il n’avait pas résolu la question sociale et il n’apercevait aucun moyen de la résoudre par le jeu naturel de l’évolution. C’était là comme un os en travers de son gosier.

Sollicité de faire des conférences en Amérique du Sud — car, ne s’étant pas enrichi au Ministère, il avait besoin de refaire sa bourse — il s’embarqua en juin 1910 pour l’Argentine et le Brésil. Sur le bateau, fuyant les importuns, il réfléchit beaucoup et procéda à une révision générale de ses idées, qui lui parurent solides et inébranlées dans leur ligne