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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

veau, « ah vai, un couilloun dans un palais ». Il rentra chez lui, vaguement honteux, bouda son apostolat, renvoya ses partisans et, comme le lui avait conseillé Clemenceau, s’alla coucher avec une boule aux pieds.

Puis vint l’affaire de Casablanca, le massacre des Européens, la proclamation de la guerre sainte. La question du Maroc surgissait. Mais par une alternance devenue un rythme, au mois de juin 1908, une grève soudaine et violente éclatait à Draveil et à Villeneuve-Saint-Georges, aux portes de Paris, et le général Virvaire, voyant ses hommes débordés et quelques-uns grièvement blessés, devait donner l’ordre de tirer. Il y eut des morts. À la Bourse du Travail, des ouvriers pendirent le buste de la République. La Guerre sociale de Gustave Hervé dénonçait Clemenceau comme l’assassin du peuple et appelait aux armes les bons bougres, qui n’avaient aucune envie de s’y ruer.

Décidément l’engueulade avait mieux réussi que la poigne armée.

Peu après l’entrevue de Marienbad entre Edouard VII, roi d’Angleterre, le ministre russe Isvolsky et Clemenceau, entrevue où il avait été beaucoup question du « valeureux poltron de neveu » Guillaume II, éclata l’affaire des déserteurs allemands de la Légion étrangère à Casablanca. L’Allemagne prétendait soustraire ceux-ci à notre juridiction. Clemenceau s’y opposait. L’ambassadeur allemand à Paris menaçait de demander ses passeports. La légende veut que son interlocuteur, tirant sa montre, lui ait fait observer « qu’il n’était que juste temps pour lui de faire ses bagages et de sauter dans le train de Berlin. » Cette fois ce n’était pas l’enlevée, mais c’était la gouaille, souvent