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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

vieux était toujours là. Il paraissait même que les engueulades fussent pour lui une source de rajeunissement. Il en sortait frais et dispos et tout prêt à recommencer. La mollesse naturelle de Picquart lui avait permis d’exercer son talent d’invective dans les services de la rue Saint-Dominique, où il comptait bien commander un jour, si jamais la tension s’aggravait entre la France et « ces salauds d’Allemands ».

Aussi, quand les affaires du Midi commencèrent à se gâter pour de bon avec les barricades de Narbonne, les dynamitages des ponts, les incendies du Palais de Justice et de la sous-préfecture de Narbonne, les attaques au Palais de Justice et à la prison de Montpellier et, comme bouquet, l’incendie de la préfecture de Perpignan, le Vieux s’émut-il sérieusement. Les soldats du 17e de ligne ayant refusé de tirer sur les émeutiers, ceux-ci entonnèrent, mauvais signe, un air devenu courant dans les milieux révolutionnaires :

Salut, salut, salut à vous, nobles soldats du 17e
Salut, salut, salut à vous, chacun vous admire et vous aime,
Salut, salut, salut à vous, à votre geste magnifique.
Vous risquiez, en tirant sur nous, d’assassiner la République.

« Ça se gâte », répétait le téléphone. Les sonneries succédaient aux sonneries. Clemenceau, recueillant les nouvelles, demandait qu’on le laissât seul et disait aux membres de son Cabinet : « Foutez-moi le camp. » Ainsi lui vint l’idée de faire venir Marcellin Albert et de lui administrer une enlevée numéro un, celle des grands jours. Des émissaires se chargèrent