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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

et déclarait vouloir, avant tout, « l’apeusement, messieurs, l’apeusement ». — En ce cas, foutez le camp », lui disait Clemenceau. Mais tel n’était pas son désir : « Pourquoi que j’m’en irais, répétait-il, puisque je suis le seul qui puisse mettre tout le monde d’acceurd. » Un certain Henry des Houx, journaliste à la manque et passionné pour les « idées nouvelles », ouvrit au Matin une consultation théologique intitulée « bureau du schisme ». Il n’eut pas de clients. « C’est une chiotte », déclara « le patron ». Il était le premier à s’amuser de ce zèle intempestif.

Soudain, comme s’élève le simoun sur le désert, éclata, dans le Midi, désemparé devant la mévente des vins du Midi et la concurrence des vins d’Algérie, un soulèvement des vignerons. Guidé par un personnage barbu et enflammé, le « Rédempteur » Marcellin Albert, ce mouvement prit de l’ampleur, s’étendit à tout le Languedoc et à l’Hérault. Il allait falloir compter avec lui.

Le pouvoir, d’abord comme ministre de l’Intérieur, puis comme président du Conseil, avait permis à Clemenceau de développer une faculté majeure, qui était la soupape de son besoin d’action : l’engueulade. Il eut, grâce à l’exercice du pouvoir, l’occasion quasi quotidienne d’administrer des enlevées d’abord à ceux de ses fonctionnaires qui n’arrivaient pas à l’heure dans leur bureau, ensuite à ceux qui, arrivant à l’heure, ne fichaient rien que baguenauder, ensuite aux chefs de service qui les laissaient faire. Peu à peu il s’entraîna à cette gymnastique sur la personne de ses ministres, rappelant à Pichon son attitude froussarde, lors du soulèvement des Boxers, dans les caves de Pékin ; rabattant, d’un mot sec, l’infatuation de Caillaux ; coupant les tirades