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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

commise, il faut la réparer. Ceux qui s’y emploient sont de braves gens, Ceux qui s’y opposent sont des imbéciles ou des aveugles volontaires, c’est-à-dire des salauds, » Raisonnement sommaire et boiteux — car l’innocence de Dreyfus n’était nullement évidente, ni démontrée — mais dont il ne voulait pas sortir. Avant le tour d’esprit et le tour sensible synthétiques, il voyait, dans la condamnation de Dreyfus, un coup des Jésuites, et notamment du Père Dulac, l’ami de Drumont, une offense aux Droits de l’Homme et aux principes de la Grande Révolution. Ce thème rejoignait ainsi celui de Gambetta, qu’il avait tant attaqué et « le cléricalisme, voilà l’ennemi », du discours de Romans.

Quand il avait dit à son père, poursuivi par la réaction : « Je te vengerai », son père lui avait répondu : « Si tu veux me venger, travaille. » La campagne acharnée pour Dreyfus et contre « les jésuitières d’État-Major » faisait partie de ce travail. Il y pensait en se réveillant, vers les quatre heures du matin, en se mettant au labeur, en prenant à la hâte ses repas, en discutant le coup avec ses conjurés. Car il s’agissait bien là d’une véritable conjuration et c’était ce qui, dès le début, avait séduit Ranc, spécialiste en la matière. C’est un grand plaisir que l’union, à quelques-uns, d’efforts désintéressés pour une cause idéale à laquelle on peut faire d’importants sacrifices. Les premiers républicains sous l’Empire avaient connu ces joies secrètes et les avaient inculquées à leurs descendants. De ceux-ci Georges Clemenceau était le plus authentique représentant et qui avait conservé, aux battements de son « palpitant » le rythme jacobin.

La découverte du « faux » Henry au mois d’août