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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Maxse pendant que je ferai ma saison. Mais Herbert sera dans les environs. Quelle situation compliquée !

Elsa riait. Courtisée par tous, à cause de son charme, de sa beauté, de sa gentillesse, elle n’appartenait à personne et traversait l’existence comme un papillon diapré, qui ne se serait pas brûlé aux lumières. Elle aimait tendrement sa cousine, dont les confidences l’intéressaient.

— Tu l’épouseras peut-être, ce Français si séduisant. On dit qu’un jour il sera le maître dans son pays.

— Mais non, puisque j’aime Herbert et que je préférerais être fromagère avec lui à Munich plutôt que reine à Paris avec Clemenceau.

— De sorte qu’il souffrira, ce pauvre Djorge, comme dit l’amiral.

— Tu le consoleras.

— Oh non, il n’a presque plus de cheveux et je veux pouvoir tirer les cheveux de mon amant… quand j’en aurai un…

Or voilà que le peintre Siegfried Helmuth, qui avait aussi un faible pour son délicieux modèle, retournant de Londres à Munich, s’arrêta quelques jours à Paris et descendit à l’Hôtel du Rhin. C’était un original barbu, chevelu, grisonnant, et qui portait des pantalons bouffants comme un rapin de 1848. À son premier signal Selma accourut. Il lui ft un accueil enthousiaste et lui demanda de le mener chez Rodin, pour lequel il professait une vive admiration. Le malheur voulut que Clemenceau fût allé précisément ce même jour, à la même heure, regarder les célèbres dessins de l’auteur des Bourgeois de Calais, dessins représentant des femmes nues dans toutes les positions possibles.

Apercevant son amoureux transi devant ces