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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

gorge déployée, n’est souvent compris que bien des années après.

La lutte de deux escrocs juifs mêlés au Panama, Cornelius Herz et le pseudo « baron » Jacques de Reinach, parent de Joseph Reinach (sans « de »), permit d’atteindre Clemenceau par un de ses bailleurs de fonds de la Justice, celui qu’il appelait en blaguant « la Vieille Corneille ». Ses ennemis imaginèrent que c’était Herz l’intermédiaire entre Clemenceau et la cavalerie de Saint-Georges.

Au printemps de 1896, celui qui écrit ceci assistait à un grand dîner londonien offert par ses parents à plusieurs invités de marque, dans un salon de l’Hôtel Brown’s, Dover Street, à Piccadilly. Assistaient à ce repas, outre Georges Hugo et sa jeune femme, Stanley et sa jeune femme, l’amiral Maxse et Henry James, deux des hommes politiques alors les plus en vue de l’Angleterre : John Morley et Arthur Balfour, le premier radical et le second conservateur. Après le repas, très animé et cordial, on passa au fumoir et la conversation vint sur Clemenceau, dont l’amiral Maxse, fondateur de la National Review était, depuis de longues années, l’ami intime. Mon père dit qu’il aimait beaucoup Clemenceau et que ni lui ni Goncourt n’avaient jamais admis qu’il fût vendu à une puissance quelconque :

— Il est un patriote ardent, intransigeant et qui n’a jamais eu quatre sous dans sa poche, qui se fiche de l’argent à un point inimaginable. Que ce Cornelius Herz ait mis, comme bien d’autres, de l’argent dans la Justice, qu’est-ce que cela prouve ?… C’est de la mauvaise foi, de la belle et bonne calomnie.

— Bravo, appuya chaleureusement l’amiral