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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— Nan, nan. Pas de liberté contre la raison !

Au dîner des « types épatants », l’émotion était générale. Plusieurs parlaient de donner leur démission.

— Mais la pièce de Sardou est idiote. Il est juste qu’on en soit débarrassé.

— C’est l’interdiction du Roi s’amuse. Nous sommes en monarchie clémenciste.

La Justice soutenait la thèse du patron, bien entendu. Elle était à peu près seule. Les autres Journaux marquaient, en termes véhéments, leur réprobation. Clemenceau alla, en fin de compte, expliquer la chose à ses électeurs du Var qui, ignorant tout à la fois ce qu’étaient Sardou, thermidor et Robespierre, l’applaudirent avec frénésie : « Il à raison, té, notre mandataire. Vive Clemenceau ! À bas Thermidor ! Mort à Sardou ! »

— Si j’étais allé dans le Var, disait Sardou très impressionné, mais assez fier, je n’en serais pas revenu vivant.

Cette histoire comique se prolongea pendant plusieurs semaines et fit la joie des Parisiens. Le bénéficiaire de la comédie fut Sardou, à qui « Les amis de la liberté dramatique » offrirent un banquet, où Sarah Bernhardt manifesta son indignation et embrassa le maître sur les deux joues. Par la suite Thermidor devait être repris à la Comédie-Française, avec un décor représentant la Convention en personnages peints sur toile et immobiles, d’un surprenant effet. « Étranglé par une sonnette », disait le texte, un des plus baroques dus à l’imagination de Sardou, avec le fameux chant de Théodora :