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LE COMBAT DES HÉRÉDISMES.

création dramatique ou amoureuse : j’ai nommé Shakespeare et Balzac.

C’est au cours de mon roman : Le Voyage de Shakespeare — paru en 1896 — que mon attention fut attirée pour la première fois sur l’intensité hallucinatoire des personnages du grand tragique anglais et sur l’explication possible de leur genèse par des reviviscences héréditaires au sein du moi shakespearien. J’avais passé toute une année à relire l’œuvre immortelle et les commentateurs, à noter les concordances des premiers rôles, les passages où transparaissent plus nettement l’individualité du poète et ses humeurs. Tout plein de mon sujet, j’essayais de me représenter les états d’esprit, ou mieux de transe, qui avaient présidé à ce lancement dans la vie lyrique d’amoureux, d’avares, de jaloux, de rancuniers, de vengeurs, de mélancoliques, de gloutons, de fantaisistes et de scélérats. J’admirais que tous ces héros du bien et du mal tinssent chacun le langage elliptique et ramassé correspondant à leur nature. Plus j’allais, plus je me persuadais que l’observation, la déduction et l’induction étaient insuffisantes à donner la clé d’une telle puissance de résurrection. C’est