Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
L’HEREDO.

les tables des annales sévères. Alors que, chez Racine, le conflit est entre la loi morale et l’emportement amoureux, il est, chez Corneille, entre la législation et un amour plus idéal et plus grave, qui a les couleurs et le son de l’amitié. Racine fait dialoguer ses aïeules. Corneille fait dialoguer ses aïeux. L’un et l’autre habillent les hommes en femmes et réciproquement. Mais c’est le ton qui fait la chanson. Chez celui-ci, comme chez celui-là, le phénomène de l’autofécondation, qui réveille des empreintes complètes et grandeur nature dans la malléabilité du moi, est poussé à son paroxysme. Néanmoins, à mesure que les personnages se succèdent sur l’écran de la conscience, une frange du soi cornélien et racinien, demeurée vivement lumineuse, montre la possession où ces maîtres sont d’eux-mêmes et la solide qualité de leur raison. D’où un sentiment de grandeur et de sécurité incomparable. Charmé ou bouleversé, le spectateur sait qu’il est dans de fortes mains et qu’il ne risque pas de s’égarer.

Deux auteurs se prêtent particulièrement à la démonstration, que nous poursuivons ici, du rôle des protagonistes psychiques dans la